P21 | Auto, boulot, dodo… et CO2
Notre utilisation de la voiture et ses conséquences
Note éditoriale (2025): Dans le contexte actuel de transformations de nos systèmes éducatifs face à l'intelligence artificielle et aux défis sociétaux, il nous a semblé pertinent de republier cette série d'articles originalement publiée en 2018 dans Panorama21.
Au Québec, 41% de la production de CO2 est causée par le transport. À l’heure où les effets du réchauffement climatique sont déjà visibles, il s’impose de réfléchir à notre utilisation de la voiture et à ses conséquences. Comment peut-on améliorer la situation ? Quand on sait qu’au Cégep les enseignants font en moyenne plus d’une demi-heure de route pour se rendre au boulot, la question est pertinente.
Empreinte carbone
L’empreinte carbone est la quantité de dioxyde de carbone (CO2) produite par une activité qui requiert la combustion d’énergie fossile. Son unité de mesure est la tonne. Essayons de voir ce que cette donnée signifie concrètement pour nous.
Au Cégep de Drummondville, on compte 270 enseignants, dont 56% habitent à plus de 10 km de leur lieu de travail (Bédard, 2018). Les enseignants passent en moyenne 34 minutes à parcourir une distance de 45 kilomètres. C’est une donnée sensiblement plus élevée que celle de leurs concitoyens de la MRC Drummond. Elle est probablement plus élevée également que dans les autres institutions, commerces et industries sur le territoire.
Selon un sondage réalisé en 2018 par le Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec (CRECQ), 71,4% des répondants sur Omnivox utilisaient l’auto en solitaire pour leurs déplacements au Cégep (CRECQ, 2018). Si tous les enseignants voyageaient seuls en voiture entre la maison et le boulot, ils cumuleraient tous ensemble près de 24 000 kilomètres pour un seul aller-retour. Réduite aux proportions indiquées par le sondage, on arrive tout de même à un peu plus de 17 000 km. C’est dire que, seulement pour le travail, à trois aller-retour par semaine dans une voiture compacte (7,8 litres / 100 km), les enseignants produiraient environ 10,9 tonnes de CO2. Ce serait donc 328 tonnes par année qui seraient émises pour les seules fins du déplacement lié au travail. C’est considérable.
On estime que pour atteindre la cible de l’Accord de Paris, les gaz à effet de serre (GES) devraient être réduits à environ 2,7 tonnes par habitant annuellement. Avec la distance moyenne qu’il doit parcourir, un enseignant qui travaille à temps plein au Cégep produirait déjà près 1,7 tonne par année. Ainsi, plus de 60% des émissions individuelles de GES ciblées par l'Accord de Paris seraient accaparées par le transport pour se déplacer au Cégep, sans tenir compte d'autres sources telles l'alimentation et la consommation de biens et services.
Compenser
Que faire pour réduire notre empreinte carbone lié à l'automobile ? Il existe plusieurs possibilités : faire du co-voiturage, utiliser le transport collectif, utiliser une voiture électrique ou… planter des arbres pour compenser les émissions excédentaires de GES.
La compensation carbone est un service qui permet de contrebalancer ses propres émissions de CO2 par le financement de projets visant à réduire d'autres émissions ou de séquestrer le carbone, notamment par l’augmentation de la superficie boisée grâce à la plantation d’arbres. Il existe plusieurs offres de compensation disponibles sur internet.
Les outils de calcul en ligne de Carbone Boréal, un projet de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) soumis à des normes très strictes de vérification, nous indiquent qu’uniquement avec le kilométrage cumulé des 270 enseignants lié au boulot, c’est 3 282 arbres qui seraient nécessaires annuellement pour compenser leur émission de CO2. Cela représente un investissement écologique d’un peu plus de 6 000$ par année. Ce montant donne une petite idée du coût sociétal de la pollution. Mais combien de kilomètres carrés de forêts faudrait-il créer pour compenser les gaz à effet de serre que produisent les véhicules associés aux 1800 vignettes de stationnement vendues en 2017-2018 ?
Éviter, transférer et améliorer
La situation est critique et exige de remettre nos choix de vie en question. Cette pollution affecte tout le monde, et il y a urgence à agir individuellement et collectivement. Lorsqu’on réduit l’utilisation de la voiture, les impacts positifs sur l'environnement, la santé, les finances personnelles et la qualité de vie globale sont immédiats. C’est cependant toute l’organisation de la vie familiale et personnelle qui doit être repensée en conséquence. Il faut, à cet égard, des liens communautaires, des infrastructures citadines et des services adéquats pour soutenir la transition vers un mode de vie post-carbone.
Les solutions impliquent des initiatives personnelles et institutionnelles, mais aussi une concertation et des partenariats efficaces, notamment avec la Ville. Il est essentiel de mieux aménager le territoire et de ne pas miser uniquement sur le développement technologique. Ainsi, il s’agit d’éviter et réduire les déplacements, autant que possible, grâce à un urbanisme qui favorise la proximité (permettant par exemple aux gens de demeurer près de leur différents lieux d’activité). Il faut également transférer l'usage de modes de transports vers d’autres, qui sont plus viables (par exemple en utilisant le vélo ou la marche plutôt que la voiture). Enfin, il faut améliorer les modes de transport eux-mêmes (notamment par l'électrification des voitures). (Gouvernement du Québec, 2018)
Organiser
Le Québec est à mettre sur pied des carnets de route nationaux et locaux pour la réduction des gaz à effet de serre avec des cibles pour 2030. À l’heure où le réchauffement climatique est déjà visible et tandis qu’il est question d’un nouveau plan stratégique de développement pour le collège dès 2020, il sera important pour le Cégep de Drummondville de proposer à ses employés et ses usagers des solutions inédites en matière de mobilité durable. Non seulement être un acteur de premier plan permettrait au Cégep d’oeuvrer de façon réaliste et viable à son propre développement, mais être un leader audacieux lui permettrait de se distinguer dans la région et d’être inspirant bien au-delà des limites du territoire.
Références :
BÉDARD, Grégoire (2018), Organiser le bien-être au travail ; Conciliation travail et vie personnelle (Données contextuelles).
CRECQ et ROULONS VERT (2018). Mesures incitatives pour la mobilité durable – Volet covoiturage, CEGEP de Drummondville, Recommandations, juin
CARBONE BORÉAL : http://carboneboreal.uqac.ca
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports (2018), «Transporter le Québec vers la modernité ; politique de mobilité durable 2030».
Note de publication:
Cet article a été initialement publié dans :
Bédard, G. (2019, janvier). Auto, boulot, dodo… et CO2. Panorama21, n°13, p. 6.