Note éditoriale (2025): Dans le contexte actuel de transformations de nos systèmes éducatifs face à l'intelligence artificielle et aux défis sociétaux, il nous a semblé pertinent de republier cette série d'articles originalement publiée en 2016 dans Panorama21. La Finlande offre une formation unique de neuf ans, appelée l’école fondamentale, où est dispensée une éducation de qualité par des enseignants hautement qualifiés. Puisque l’égalité des chances y est une valeur cardinale, l’élève est rigoureusement soutenu tout au long de son parcours. L’organisation de ce système éducatif est relativement décentralisée, mais elle s’articule autour d’un curriculum national fort. L’évaluation du système par une agence indépendante en assure l’évolution continue au-delà des alternances politiques à court terme.
La Finlande est l’un de ces petits pays scandinaves dont on ne parlait jamais, jusqu’à ce que l’OCDE publie, en 2000, les résultats d’une première étude internationale faisant le suivi des acquis des élèves intitulée Program for International Student Assessment (PISA). Le pays est arrivé dans les premières places pour l'efficacité de son système scolaire : 1re en lecture, 3e en sciences et 4e en maths. En 2003, le pays a fait encore mieux en arrivant premier dans ces trois matières et 2e dans la résolution de problème, une nouvelle catégorie créée pour cette seconde édition du programme. Dès lors, la Finlande s’est penchée sur cette surprenante et enviable position, elle a produit un rapport détaillé pour expliquer ses résultats et elle a reçu nombre de délégués internationaux curieux de connaître le secret de telles performances.
L’élève au centre de l’école
L’importance de l’éducation en Finlande remonte à quelques décennies. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Finlandais lancent un large débat sur leur système scolaire qui aboutit, en 1968, à une réforme majeure implantée progressivement dans le pays jusqu’en 1977. En 1993, une grave récession économique s’abat sur le pays, entrainant jusqu’à 20 % de chômage. Elle ne fait que renforcer la conviction que le salut passe par l’éducation et l’économie du savoir. On décide alors d’aller plus loin dans la réforme lancée vingt ans plus tôt : l’école fondamentale, la peruskoulu, devient ce qu’elle est aujourd’hui, une formation unique d’une durée de 9 ans, au centre de laquelle se trouve l’enfant.
Dès le jeune âge (1 à 5 ans), on assure un équilibre entre les activités d’éveil et le jeu dans les jardins d’enfants. Suit une année d’éducation préscolaire qui marque une transition vers l’école. À 7 ans, l’enfant entre à l’école fondamentale, qui est obligatoire jusqu’à 16 ans et qui correspond à six années de primaire et à trois années de premier cycle au secondaire. S’offre ensuite à lui la possibilité d’une année additionnelle (de soutien) qui permet d’améliorer ses connaissances et ses habiletés afin de mieux se préparer aux études supérieures.
L’année scolaire de l’école fondamentale dure 190 jours (de la mi-août à la fin mai). Le nombre d’heures de classe par semaine varie entre 19 et 30 heures, du lundi au vendredi. Chaque cours dure 45 minutes et est suivi de 15 minutes de récréation à l’extérieur. Les élèves ne sont pas notés jusqu’à l’âge de 9 ans. Ils sont évalués de façon non chiffrée puis, à partir de 13 ans, ils reçoivent une note variant entre 4 et 10. La note minimale 4 implique de recommencer l’apprentissage.
Vers 16 ou 17 ans, l’élève peut s’orienter vers l’école professionnelle pour obtenir un diplôme de base ou vers le lycée (lukio) qui prépare à l’examen de matriculation et à l’obtention d’un baccalauréat. Les deux options présentent un cycle d’études supérieures de trois ans qui correspond à peu près à notre cégep. Tandis que l’école professionnelle développe des compétences pour l’exercice de métiers, le lycée général prépare l’élève à l’université en décernant un diplôme en sciences naturelles ou en sciences sociales.
L’horaire au lycée est constitué de 30 à 35 heures de cours par semaine (de 8 h 20 à 15 h ou 16 h). L’élève a droit à une pause d’une heure à 11 h pour le diner (offert gratuitement). L’année scolaire du lycéen est divisée en deux trimestres (automne / hiver) et en cinq périodes de 6 à 7 semaines au bout desquelles viennent les examens. Le parcours scolaire normal dure 3 ans, mais peut varier entre 2 et 4 ans. Il est constitué d’un minimum de 75 modules, dont 45 sont obligatoires (histoire, géographie, langues, mathématiques, biologie notamment) et dont au moins 10 sont des cours approfondis. Ces modules constituent ensemble 38 cours. L’élève choisit ses modules et détermine l’ordre dans lequel il les complète (dès son arrivée au lycée, l’un des modules est consacré à l’organisation). Les modules varient d’un lycée à l’autre, car chaque établissement conçoit un profil qui lui est propre, orienté vers les sciences, les langues ou les sports par exemple. Un lycée compte de 400 à 500 élèves. La proximité et la familiarité y sont très favorisées : il n’est pas rare qu’un directeur de lycée connaisse personnellement ses élèves.
Comme à l’école fondamentale, les périodes de classe durent 45 minutes. L’évaluation des élèves au lycée suit le même principe avec des notes de 4 à 10. Les classes sont très variables et comptent en moyenne de 20 à 30 élèves. Dans certains modules artistiques, on ne dépasse pas 13 élèves. Lorsqu’on atteint un nombre d’élèves maximum, l'inscription est close.
On favorise beaucoup l’autonomie et l’auto-discipline. Après quatre absences, l’élève n’a plus accès à la classe et doit recommencer son module. Les retenues pour mauvais comportement sont possibles, mais les exclusions de l’école sont inconcevables. Le redoublement, lui, est proscrit par la loi (tout comme l’existence de l’école privée). Le soutien à l’élève est un pilier fondamental de l’école finlandaise. Par conséquent, les taux d’abandon sont très faibles, et ce, à tous les niveaux scolaires. Les éducateurs spécialisés sont dans la classe avec l’enseignant et accompagnent les élèves qu’ils suivent. Des conseillers en orientation aident les élèves à préciser leur choix de carrière. Des psychologues et des infirmières sont également à leur disposition.
Les examens de fin de session ont lieu uniquement le matin de 9 h à 12 h. L’après-midi est libre. Il n’existe qu’un seul examen national standardisé en Finlande, qui a lieu à la fin du lycée. Le reste est préparé localement par les enseignants de chaque institution. On constate un taux de réussite de plus de 90 % à l’examen de matriculation national menant à l’obtention du bac.
Un système de valeurs
Pasi Sahlberg a travaillé comme enseignant, chercheur et consultant en Finlande. Il a oeuvré comme spécialiste de l’éducation au sein de l’OCDE, de la Banque mondiale et de l’Union européenne. Il a étudié plusieurs systèmes d’éducation à travers le monde et a développé une expertise internationale à ce sujet. Après les résultats du PISA, il a été appelé à parcourir le monde pour vulgariser le modèle finlandais. Dans une entrevue au journal Books en 2012, il faisait remarquer qu’un mouvement global de réforme éducative a eu tendance à s’imposer dans plusieurs pays, mouvement qu’il a, non sans humour, surnommé GERM (Global Educational Reform Movement). Les principes cardinaux du GERM « sont la concurrence entre les établissements, la liberté pour les parents de choisir l’école de leurs enfants et l’évaluation des élèves par des tests standardisés. » Il ajoute : « Le GERM transforme l’école en entreprise, où la mesure des résultats devient une obsession et où, sous prétexte qu’il faut se concentrer sur les [cours] fondamentaux, on finit par réduire les cours aux seules disciplines académiques de base, démoraliser le corps enseignant et introduire la tricherie et la corruption dans le système. » Salhberg ajoute cependant : « Cela dit, nous avons tous à apprendre les uns des autres et la Finlande ouvre à ce titre d’intéressantes pistes de réflexion. En fait, après dix ans de recherche et d’études comparatives, la principale leçon à tirer du système finlandais, à mon sens, c’est qu’il existe une autre voie de réforme que celle actuellement engagée dans la plupart des [pays] membres de l’OCDE. »
Le système scolaire finlandais, à l’opposé du GERM, est conséquent avec les choix de société assumés par les citoyens. Pour Sahlberg, trois raisons en expliquent la qualité. D’abord, le système est organisé autour de la peruskoulu sans différenciation de niveau : les enfants de tous les milieux socioéconomiques fréquentent les mêmes écoles pendant 9 ans. Ensuite, les écoles finlandaises assurent une prise en charge complète des enfants (cafétéria gratuite, services de santé, aide psychosociale et soutien aux élèves à besoins particuliers) et mettent l’accent dès le bas âge sur la détection et la gestion des difficultés d’apprentissage ainsi que des troubles psychologiques et physiques du développement. Enfin, dernier point, les politiques éducatives sont entièrement guidées par l’équité et l’égalité des chances. Et le système fonctionne : les études du PISA révèlent que l’écart entre les élèves les plus forts et les plus faibles est le plus petit au monde.
Ces résultats sont les conséquences de plusieurs facteurs favorables, que nous verrons dans les prochains articles, notamment l’importance accordée à l’enseignement et à l’autonomie professionnelle des enseignants.
Note de publication:
Cet article a été initialement publié dans :
Bédard, G. (2016, septembre). L’école fondamentale. Panorama21, n°1, p. 4.