# 19 | Exploiter le portfolio (2) : facteurs de réussite
Pour développer le sentiment de compétence et la résilience
La première partie de cette réflexion sur le portfolio a exploré les fondements théoriques de cette approche. Cette deuxième partie examine de plus près les facteurs concrets qui contribuent à sa réussite, en s'appuyant sur les observations faites tout au long du trimestre d’automne 2024.
Les acquis du portfolio dépassent largement les apprentissages visés par le cours Écriture et littérature. Au-delà de la note finale qui sanctionne l'atteinte de la compétence, cette approche permet d'observer le développement d'habiletés essentielles qui préparent l'élève pour la suite de son parcours. L'analyse des données recueillies à l'automne 2024 révèle quatre facteurs clés qui contribuent à cette réussite. Ces facteurs, loin d'être indépendants, interagissent et se renforcent mutuellement pour créer un environnement d'apprentissage optimal. Plus important encore, le portfolio transforme progressivement la relation des élèves à l'apprentissage en développant leur sentiment de compétence et leur résilience.
Cette approche s'inscrit dans une vision plus large de la réussite éducative qui, comme le souligne le CREPAS (cité dans Bélec et Doré, 2023, p.6), «concerne à la fois l'instruction (intégration de savoirs scolaires), la socialisation (acquisition de savoirs, valeurs, attitudes et comportements utiles au fonctionnement en société) et la qualification (préparation à l'insertion professionnelle)» ainsi que «la réalisation de son plein potentiel et l'atteinte de buts personnels fixés par l'étudiant».
Facteurs de réussite
On peut identifier quatre importants facteurs pour le développement. Ces facteurs, loin d'être indépendants, se renforcent mutuellement pour créer un environnement d'apprentissage optimal. Les observations du trimestre permettent de dégager leur importance relative et leurs interactions.
L'engagement régulier comme base
L'engagement régulier apparaît comme le premier pilier de la réussite. Les données montrent une corrélation significative (0.827) entre la complétion des artefacts et la performance. Les élèves qui maintiennent un rythme de travail constant, visible dans la régularité des remises et la qualité des productions, développent progressivement une maîtrise plus solide des méthodes d'analyse. Cette régularité permet une appropriation graduelle des apprentissages, créant un cercle vertueux entre effort et progrès.
L'application systématique des stratégies
L'application systématique des méthodes de travail (lecture, rédaction, révision, métacognition) constitue un deuxième facteur clé. Les étudiants qui réussissent démontrent une utilisation cohérente et croissante des connaissances procédurales pratiquées en classe. Ceci est notamment visible dans l'amélioration constante de leurs structure et de leur rigueur, qui sont deux critères essentiels de la littératie.
La profondeur de l'engagement cognitif
L'engagement cognitif profond représente un autre facteur majeur, distinguant clairement les cas de progression des cas de régression. Les étudiants qui progressent démontrent une capacité croissante à établir des liens complexes et fins. Ceci est visible dans l'amélioration de la plausibilité des explications et et de la nuance de leur interprétation, qui sont deux autres critères liés à la littératie.
Le développement métacognitif
La métacognition, manifestée par une conscience claire de leurs processus d'apprentissage, caractérise également les étudiants qui réussissent. Cette conscience se traduit par une utilisation efficace des rétroactions et une amélioration constante des aspects identifiés comme problématiques (par exemple l'utilisation des preuves, l'interprétation des procédés littéraires ou le travail sur certaines difficultés linguistiques ciblées par l'enseignant).
À travers ces facteurs, on peut identifier des vecteurs de stabilité : l'assiduité élevée, la complétion régulière des travaux et l'engagement constant. Les motifs de stabilité sont d'ordre méthodologique (structure constante, rigueur maintenue, progression graduelle) et linguistique (ratio d'erreurs stable, amélioration progressive, maintien des acquis).
Les causes d'instabilité quant à elles sont d'ordre organisationnel (variations d'assiduité, remises irrégulières, engagement fluctuant) et cognitif (compréhension fragmentée, application inconsistante, difficultés méthodologiques persistantes). Ces caractéristiques sont visibles dès les premières semaines du trimestre et justifient une intervention précoce de l’enseignant·e.
Le sentiment de compétence
Si ces éléments constituent les fondations de l'apprentissage, nous avons vu que c'est le système de rétroaction qui en est le moteur principal, transformant chaque production en opportunité de progression. Chaque artefact reçoit des commentaires spécifiques qui valorisent les réussites et proposent des pistes d'amélioration concrètes. Cette approche différenciée permet aux élèves de comprendre précisément où ils en sont et comment progresser.
L'impact de ces rétroactions est mesurable : 79,5% des élèves indiquent qu'elles ont permis leur amélioration. Le système de jetons de reprise renforce cette dynamique en offrant des occasions de révision stratégique. Les données montrent que les élèves qui utilisent judicieusement ces opportunités connaissent souvent une progression plus marquée.
Cette approche transforme l'évaluation en véritable outil de développement. Au-delà de la simple mesure de performance, le portfolio permet un développement durable des compétences tout en renforçant l'autonomie et le sentiment de compétence des élèves. L'impact est direct. Comme le souligne Viau, «en lui disant seulement ce qu'il a fait de mal et en ne lui montrant pas ce qu'il a fait de bien, on l'incite à sous-estimer les apprentissages qu'il a réalisés et à avoir le sentiment qu'il n'y arrivera jamais.» (Viau, p. 156-157)
Le développement de la résilience
Le développement des compétences en analyse littéraire se révèle comme une véritable métamorphose qui transforme progressivement et simultanément plusieurs dimensions de la pensée et de l'expression des étudiants. Les observations réalisées entre l'artefact n°3 et n°12 montrent clairement cette évolution multidimensionnelle.
Sur le plan méthodologique d'abord, nous observons une amélioration notable de la capacité à structurer l'analyse, comme en témoigne la progression des notes en structure qui passent en moyenne de D à M. Cette progression s'accompagne, sur le plan linguistique, d'une légère amélioration dans la précision et la richesse de l'expression, visible dans l'évolution du critère «français». Parallèlement, sur le plan analytique, les données révèlent un développement significatif de la qualité des observations et des interprétations, comme le démontre l'amélioration des scores en plausibilité et en nuance. Cette transformation simultanée des différentes dimensions de la compétence, bien que d'ampleur variable selon les aspects, illustre la nature intégrée de l'apprentissage de l'analyse littéraire, où chaque dimension se développe en relation avec les autres, certaines progressant plus rapidement que d'autres.
Les observations montrent aussi que cette transformation n'est pas linéaire. Les élèves qui progressent maintiennent leur engagement même après des résultats décevants, utilisant ces expériences comme tremplins d'apprentissage plutôt que comme sources de découragement. Cette résilience, étroitement liée à la régularité de l'engagement, crée un cercle vertueux où chaque défi devient une occasion de croissance.
Le portfolio guide la progression des élèves et permet un développement durable des savoirs, savoir-faire et savoir-être, tout en renforçant l'autonomie et le sentiment de compétence des élèves. Bien qu'exigeante en temps et en organisation, cette approche peut être adaptée à différents contextes d'enseignement. Les principes clés — rétroaction continue, progression visible, autonomie croissante — peuvent être appliqués même à plus petite échelle. L'essentiel est de maintenir le cap sur le développement de l'autonomie et de la résilience des élèves.
La prochaine partie explorera plus en détail comment cette transformation s'opère sur le plan métacognitif.
[Publié le 9 décembre 2024 | révisé le 13 décembre 2024]
Références
BÉLEC, C. et DORÉ, R. (2023). Une recherche collaborative pour renouveler l'enseignement de la littérature au collégial dans une optique de cohérence disciplinaire : l'intérêt d'une approche par compétence de la lecture. [Rapport de recherche PAREA]. Cégep Gérald-Godin et Cégep de Drummondville. [En ligne]
MARTIN, N. (2012). Conception d'un portfolio pour documenter le développement des compétences de l'élève au collégial [Essai de maîtrise en éducation, Université de Sherbrooke]. [En ligne]
VIAU, R. (2009). La motivation à apprendre en milieu scolaire. ERPI.